De grandes questions

De grandes questions

Chers vous,

Avez-vous comme nous la furieuse impression que cette crise est un plongeon dans l’inconnu ?

Avez-vous également le sentiment que la seule chose dont nous puissions être assurés, c’est que le monde qui vient sera fort différent de celui que nous avons connu, et probablement pour de bon ?

Continuer à penser votre avenir en général, votre activité professionnelle en particulier, vos lectures et vos pratiques culturelles dans la continuité de ce que vous avez vécu jusqu’à présent vous paraît il sublunaire ?

Ressentez-vous, comme nous, le besoin d’en parler, de partager ressentis, réflexions et prospectives ?

Si oui, ce serait pour l’équipe et pour tous, à la fois d’un grand intérêt et d’un immense réconfort de se les partager.

→ Pour transmettre vos messages, sous le format de votre choix : bib.francophone@wb1170.brussels.


Grandes questions d’habitants :

#1 – Silence, de Stéphane (07/04/20)

silence

immobilité forcée dans le mascaret de nouvelles qui nous arrive

un flot de merde oui

un flot qui monte à gros bouillons

mais si nous y mettons les doigts il y a aussi

beaucoup de surprises et des ressources insoupçonnées

des masses de questions

des expériences qui nous déplacent

là où ça bouge à toute allure alors que nous restons chez nous

cénobites

ne nous laissons pas submerger par la tristesse

non

faisons preuve de courage et regardons la merde puisque la merde nous regarde

elle est précieuse cette fange

tant que nous l’avons sous les yeux

avant qu’elle devienne invisible de nouveau

si nous ne savons quoi en faire elle retournera sous le sol

toujours là

toxique

prête à jaillir encore lors de la prochaine crue

il faut que l’épreuve soit féconde

faire que la merde soit féconde

qu’est ce qui nous vient ?

à quoi sert l’école et à quoi ne sert t-elle pas ?

qu’est ce qu c’est s’occuper de mon enfant toute la journée ?

pourquoi l’économie ne peut elle pas faire une pose sans risquer l’effondrement ?

pourquoi les pouvoirs ne mettent-ils pas la bourse en off ?

pourrions nous survivre plus de quinze jours sans les caissier-ères de supermarchés ?

à quoi sert-il de travailler si mon épargne peu s’évaporer en un claquement de doigts ?

pourquoi les moments de contraction économique sont-ils les seuls à avoir un impact significatif sur le niveau de pollution ?

de quoi ais je réellement besoin ?

de qui ais je réellement besoin ?

pourquoi venir en aide à ceux qui on déjà trop ?

pourquoi les précaires restent-ils sur le carreau ?

peu à peu des points émergent

une figure

le portrait d’une époque condensée en une seule déflagration

sur mon écran je lis :

l’exploitation à outrance des ressources naturelles qui nous met en contact avec des pathogènes opportunistes (ici et ici).

la mondialisation galopante créant des conditions parfaites pour répandre le virus tout autour du globe (ici et ici).

l’éclatement des chaînes de production, un maillage d’une fragilité confondante dont la rupture nous prive d’une foultitude de biens vitaux. La faiblesse de la finance mondialisée. (ici, ici et ici)

l’affaiblissement des systèmes de soins par l’application systématique d’une logique de rentabilité. (ici, ici, ici, ici et ici)

l’injonction contradictoire à rester chez soi tout en faisant tourner la machine, avec par contre un soutien inconditionnel au grandes entreprises et à la sphère financière, what ever it takes. (ici, ici et ici)

l’instrumentalisation de la crise sanitaire pour générer encore et toujours plus de profit.

les immenses, demandeurs d’asile, précaires, et prisonniers laissés sur le carreau. Pour ceux là, c’est  toujours le business as usual. (ici, ici et ici)

les pouvoirs « démocratiques » glissant depuis un temps déjà sur la pente savonneuse qui mène à la tyrannie, s’octroyant des pouvoirs spéciaux qu’ils seront peut être peu enclin à lâcher.

des pistes de sortie de crise usant de la surveillances généralisées à un point jamais vu (ici, ici, ici et ici).

prendre tout cela

faire avec tout cela

la peur la rage et la joie

#2 – Les « règles anti-corona » en Belgique… Essayons de voir clair…, de Georges (10/04/20)

1. Vous ne pouvez pas quitter la maison en principe, mais si vous en avez besoin, vous pouvez quand même.
2. Les masques ne servent à rien, mais il faudrait peut-être en porter, ça peut sauver, ça sert à rien mais ça sera peut-être obligatoire.
3. Les magasins sont fermés, sauf ceux qui sont ouverts.
4. Il ne faut pas aller dans les hôpitaux, sauf s’il faut y aller, même chose pour les médecins, il ne faut y aller qu’en cas d’URGENCE à condition que vous ne soyez PAS MALADE (?!?)
5. Ce virus est mortel, mais pas trop effrayant néanmoins, sauf que si parfois, en fait ça va être une catastrophe planétaire.
6. Les gants n’aideront pas, mais ils peuvent aider quand même.
7. Tout le monde doit rester à la MAISON, mais il est important de SORTIR
8. La nourriture dans le supermarché ne manquera pas, mais il y a plein de choses qui manquent si vous y allez en fin de journée mais ll ne faut pas y aller le matin.
9. Le virus n’a pas d’effets sur les enfants sauf sur ceux sur qui il en a…
10. Les animaux ne sont pas atteints, mais il y a malgré tout un chat qui a été testé positif en Belgique en février, quand on ne testait encore personne, mais ce chat oui (?!?)
11. Vous aurez de nombreux symptômes si vous êtes malade, mais vous pouvez aussi tomber malade sans symptôme, avoir des symptômes sans être malade ou être contagieux sans symptôme. Ah ? Bref ???
12. Pour ne pas être malade, vous devez bien manger et faire du sport, mais mangez malgré tout ce que vous avez sous la main et c’est mieux de ne pas sortir, enfin si, mais non…
13. Il est préférable de prendre l’air, mais vous serez très mal vu si vous allez prendre l’air, et surtout n’allez pas dans les parcs, ou alors sans vous asseoir, sauf que maintenant si, vous pouvez si vous êtes vieux (à quel âge on est vieux ?!?) mais pas trop longtemps ou enceinte (mais pas vieille).
14. Vous ne pouvez pas aller chez les personnes âgées, mais vous devez vous en occuper et apporter des courses et des médicaments.
15. Vous ne pouvez pas sortir si vous êtes malade, mais vous pouvez aller à la pharmacie. Pour les soignants, même avec de la température, vous pouvez travailler, allez, pas plus de 38°C… 37,9 c’est pas grave, sauf si vous n’êtes pas soignant.
16. Vous pouvez commander la livraison de plats préparés qui l’ont peut-être été par des personnes qui ne portaient ni masques ni gants. Mais il faut laisser décontaminer vos courses pendant 3 heures dehors. La pizza aussi ?
17. Chaque article ou interview inquiétant commence par les mots « Je ne veux pas semer la panique, mais… ».
18. Vous ne pouvez pas voir votre mère ou votre grand-mère âgées, mais vous pouvez prendre le taxi et rencontrer un chauffeur de taxi âgé.
19. Vous pouvez vous promener avec un ami mais pas avec votre famille si elle ne vit pas sous le même toit
20. Mais on vous dit que se promener avec la bonne « distanciation sociale » n’est pas dangereux alors pourquoi on ne peut pas se promener avec d’autres amis ou de la famille (un à la fois) si on est dehors à la bonne distance ?
21. Le virus reste actif sur différentes surfaces pendant deux heures, non, quatre, non, six, non, on a pas dit des heures, c’est peut-être des jours ? Mais il a besoin d’un environnement humide. Oh non, en fait pas nécessairement.
22. Le virus reste en suspensions dans l’air enfin non, ou oui, peut-être, surtout dans une pièce fermée, en une heure un malade peut en contaminer dix, donc si ça tombe tous nos enfants ont déjà été contaminés à l’école avant qu’elles ferment ?
23. On compte le nombre de morts mais on ne sait pas dire combien de personnes sont infectées, puisque jusqu’ici on a testé que ceux qui étaient « presque morts » pour savoir si c’était de ça qu’ils allaient mourir…
24. On n’a pas de traitement sauf qu’il y en a peut-être un, qui n’est apparemment pas dangereux sauf si on en prend trop (ce qui est le cas de tous les médocs, non ?)
25. On devrait rester confinés jusqu’à la disparition du virus mais il ne va disparaître que si on arrive à une immunité collective et donc à condition qu’il circule… et pour ça il faut qu’on ne soit plus confinés…
26. Quoi qu’il arrive, garder le sens de l’humour.


#3 – Les  questions de Bruno Latour qui invitent à l’action, relayées par Marie

Question 1: Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles ne reprennent pas?

Question 2: Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît nuisible/ superflue/ dangereuse/ incohérente; b) en quoi sa disparition/ mise en veilleuse/ substitution rendrait d’autres activités que vous favorisez plus facile/ plus cohérente? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 1.)

Question 3: Quelles mesures préconisez-­vous pour que les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs qui ne pourront plus continuer dans les activités que vous supprimez se voient faciliter la transition vers d’autres activités?

Question 4: Quelles sont les activités maintenant suspendues dont vous souhaiteriez qu’elles se développent/ reprennent ou celles qui devraient être inventées en remplacement?

Question 5: Décrivez a) pourquoi cette activité vous apparaît positive; b) comment elle rend plus faciles/ harmonieuses/ cohérentes d’autres activités que vous favorisez; et c) permettent de lutter contre celles que vous jugez défavorables? (Faire un paragraphe distinct pour chacune des réponses listées à la question 4.)

Question 6: Quelles mesures préconisez-­‐vous pour aider les ouvriers/ employés/ agents/ entrepreneurs à acquérir les capacités/ moyens/ revenus/ instruments permettant la reprise/ le développement/ la création de cette activité? (Trouvez ensuite un moyen pour comparer votre description avec celle d’autres participants. La compilation puis la superposition des réponses devraient dessiner peu à peu un paysage composé de lignes de conflits, d’alliances, de controverses et d’oppositions.)